Le 03 mai est une journée spéciale pour les professionnels des médias, elle rappelle leur liberté à l’échelle internationale, et interpelle les ténors de la politique à veiller à celle-ci. Cette liberté de presse défendue, si respectée dans le fond et la forme » devient un élément essentiel dans le rayonnement démocratique d’une nation. Elle résulte d’une lutte censée être menée par les concernés eux-mêmes, pour parvenir à une liberté de presse totale et non-négociable, telle la souveraineté d’un État.
Une presse congolaise asservie
Au-dessus de cette ambition commune de sauver un métier noble vu comme « un quatrième pouvoir » planent des pesanteurs politiques et politiciennes multipliant par zéro tout l’engagement des chevaliers de la plume et du micro. C’est triste mais il vaut la peine de le dire. Cette journée se célèbre chaque année dans une uniformité presque diabolique en RDC. Les journalistes s’amènent avec les mêmes plaintes, et les dirigeants politiques font les mêmes promesses. Et à la fin, tout le monde repart comme il était venu, rendez-vous à l’année prochaine.
Le plaidoyer pour la dépenilisation des délits de presse traîne dans les tiroirs de ceux qui ont voix à la décision, car pour eux, les nuances qu’ils font émerger de cette loi, sont devenues plus importantes que la loi elle-même. Dommage que les journalistes s’en dorment, complices de leur malheur.
« Il ne peut y avoir de société démocratique sans une presse libre, indépendante et pluraliste » disait Koffi Anan, ancien secrétaire général des Nations Unies. Au Congo, l’on voit des choses différemment, et l’interprétation dépareillée de cette maxime, force de nos jours les professionnels des médias à marcher comme sur les œufs dans l’exercice de leurs missions. Ils peuvent informer mais veiller aussi à ce que ce qu’ils disent ne fâche un camp politique. C’est au péril de leur vie que certains sont encore attachés à la vérité et à la neutralité.
Étouffées par une boule à la gorge, les chaînes de radio et télé s’en remettent à une ligne éditoriale basée parfois et souvent sur la sensibilité du pouvoir en place. D’un temps, elles ont besoin de survivre, rémunérer leurs agents, et l’argent provient généralement des institutions politiques. Impossible alors de se permettre d’avoir de démêlés avec celui qui sort son chéquier pour te payer. Des critiques contre sa personne et ses actions sont réduites au silence, au sein même des conseils de rédaction. Les pauvres téléspectateurs et auditeurs n’ont plus droit à la vérité. Ils voient passer sur leurs écrans que des louanges à l’endroit des autorités, parfois même pour des actions frénétiques. Ce conformisme de la presse aux règles contraires au métier, n’est pas étranger au malheur de la RDC.
Des journalistes dans la poche des politiques
Autant le pouvoir politique s’avère une entrave immesurable à la liberté de presse, il serait injuste et malhonnête de ne pas tancer les professionnels des médias, qui se sont volontairement mis à la merci des individus. Nul n’ignore le minable salaire que réserve le journalisme à tous ceux qui l’embrassent. Certains ne sont pas payés du tout, d’autres avec délestage. Dans son intime conscience devant deux bouts du mois éloignés comme la terre du ciel, le journaliste laisse naître un nouveau concept « liberté de conviction« . C’est en effet une facette du choix entre « survivre ou mourir« .
Ainsi, nous avons des journalistes du pouvoir et de l’opposition. Les deux pôles défendent ardemment leur « conviction » au détriment de la vérité, des principes d’éthique et déontologie du métier. Plus étrange, les professionnels d’une même corporation se retrouvent en guerre à cause de leur divergence, de leur identité acquise. Ils prétendent tous défendre leur conviction, mais le ventre en réalité.
Le constat est patent dans tous les domaines. Dans la culture comme dans les sports. Les journalistes pro-Fally, pro-Ferré, ceux de VClub et DCMP, ceux de Mazembe et Lupopo. Ils ne s’accordent que rarement. Ici, seuls les intérêts sont importants. La cause du métier oubliée, mais ils veulent tout de même la liberté, et le rappellent le 03 mai de chaque année. Pathétique !
Isaac-Robert B