Les chiffres sont alarmants. Le nombre de femmes drépanocytaires qui meurent à l’accouchement inquiète dans la région de l’ex-province du Katanga. Une situation qui profite du taux de prévalence des personnes atteintes de drépanocytose particulièrement élevé dans la région. Les spécialistes alertent depuis 10 ans mais le salut est resté une promesse.
Le gynécologue Richard Mukendi est enseignant à l’université de Lubumbashi. Cet expert en santé de la reproduction fut médecin à l’hôpital provincial Jason Sendwe où il a participé à une étude importante sur les femmes drépanocytaires, de 2005 à 2012.
Ce gynécologue de Lubumbashi, à propos de la drépanocytose chez la femme enceinte, se montre alarmé, inquiet. Le taux de mortalité des femmes drépanocytaires révélé par une étude de 2005 à 2012 donne des frissons. Le Dr Richard Mukendi se confie sur ses constats après plusieurs cas consultés alors médecin à l’Hôpital Jason Sendwe.
La drépanocytose, ennemie de la femme enceinte
Ce médecin explique que la souffrance d’une femme drépanocytaire enceinte affecte aussi son futur bébé mal irrigué et augmente le risque de mortalité pour les deux. Un risque beaucoup plus élevé que chez la femme saine. Chez la femme drépanocytaire enceinte par exemple, il se développe des troubles vaso-occlusifs qui se déclenchent systématiquement pendant la grossesse.
En effet, pendant la grossesse chez une drépanocytaire, explique le gynécologue, le sang n’arrive suffisamment au fœtus, l’oxygène et le nutriment non plus. Ce qui affecte sa croissance. Pendant ce temps, la santé de la future mère subit des troubles.
Est-ce des grossesses à haut risque ?
D’après le Dr Richard Mukendi, les risques chez la femme drépanocytaire enceinte sont divers mais au moment de l’accouchement, c’est encore plus compliqué. Car à l’accouchement la femme doit être en bonne forme. L’accouchement en lui-même, insiste le médecin, demande de l’énergie et beaucoup d’oxygène, ce qui n’est pas évident pour une drépanocytaire. Car l’hémoglobine anormale chez elle ne fixe pas l’oxygène. C’est pourquoi les crises deviennent plus fortes au cours de l’accouchement.
A ce propos, le gynécologue explique. « Souvent on perd les drépanocytaires au cours de l’accouchement à de la demande en oxygène et en nutriment que l’accouchement sollicite. Cela va faire qu’on connaisse parfois des décès ».
Il ajoute que « l’accouchement peut bien se dérouler mais les complications pourraient se manifester en post-partum. Ces complications sont liées au le fait que l’on enregistre une forte perte en liquide augmentant ainsi les risques des troubles vaso-occlusifs ».
A l’hôpital Sendwe, 4 sur 10 drépanocytaires meurent à l’accouchement
Dis comme ça, l’histoire parait ordinaire. Il s’agit pourtant de 40% des femmes de cette catégorie. Des statistiques avancées par le Dr Richard Mukendi. Elles ont beau être anciennes, ces statistiques présentent l’image de la situation trouble que connaissent les femmes drépanocytaires. Ceci se révèle au moment où le Fonds mondial pour la population espère éliminer les décès maternels évitables d’ici 2030.
« Je suis médecin depuis 2004, explique Richard Mukendi. Pendant 7 ans de service dans cet hôpital de référence, nous avions beaucoup de cas de drépanocytose sur grossesse. Sur 10 malades, j’en ai perdu au-moins quatre, c’est à dire 40% des femmes drépanocytaires avec grossesse décédaient soit au cours de l’accouchement ou après l’accouchement», témoigne le médecin.
De son côté, Céline Tambwe, responsable d’un centre de santé qui accueille et encadre les drépanocytaires à Lubumbashi, décrit la vie difficile qu’endurent ces femmes. Au-delà des douleurs atroces qu’elles subissent, les femmes drépanocytaires font également face à différentes formes de préjugés dans la société. Elle partage son expérience.
« J’ai encore un mauvais souvenir de cette maladie qui a emporté mes deux enfants en 2010 et 2015. Ma fille âgée de 32 ans est décédée sous notre œil impuissant après avoir obtenu son diplôme de licence en médecine. Son jeune frère aussi a succombé de la même maladie,» raconte-t-elle tristement.
Vaut mieux prévenir que guérir
C’est de ce souvenir douloureux que viendra à Céline Tambwe le sens de son engagement aujourd’hui. Elle s’est fortement lancée dans la sensibilisation des familles sur cette maladie qu’elle considère plus préventive que curative.
C’est d’ailleurs la conviction du Dr Richard Mukendi. Il note que pour combattre la drépanocytose, il faut privilégier la prévention. Avant le mariage par exemple, que les jeunes se soumettent aux examens prénuptiaux, notamment l’électrophorèse de l’hémoglobine.
« En passant ces examens, souligne le médecin, si vous êtes AA tant mieux. Mais si vous êtes AS vous ne pouvez pas épouser une fille qui est AS, et vice versa. C’est pourquoi nous recommandons aux jeunes de faire ces examens ».
Ce médecin gynécologue indique qu’il est déconseillé aux femmes drépanocytaires porter des grossesses. Car celle-ci est un facteur aggravant pour leur santé. Malheureusement, les sensibilisations au danger de cette maladie sont encore faibles et l’information ne circule que peu dans la population.
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